Touche Pas A Mon Enfant, 2008
Notre définition de l'agression sexuelle sur les enfants s'inspire des normes internationales en la matière, notamment la Convention internationale des droits de l'enfant et les autres instruments et protocoles pertinents. Ces normes sont devenues universelles étant donné l'ampleur des atteintes aux droits des enfants de par le monde et la similitude des caractéristiques de ces atteintes indépendamment de leurs origines géographiques.
L'agression sexuelle sur un enfant de moins de dix-huit ans consiste en l'utilisation du corps du mineur pour assouvir les pulsions, penchants et désirs sexuels d'un adulte ou d'un adolescent. La violence sexuelle sur mineur consiste également en tout comportement à caractère sexuel tel que le harcèlement par attouchements sexuels sur le corps du mineur ou l'incitation d'un mineur à caresser des parties du corps du harceleur. La pédophilie, la prostitution des enfants, l'exploitation sexuelle des enfants pour la production de spectacles ou de matériel à caractère pornographique entrent également sous d'autres formes d'agression sexuelle sur un enfant.
Les agressions sexuelles sur les enfants au Maroc, à l'instar de tous les enfants agressés dans le monde, sont les formes de violence les plus douloureuses et les plus pénibles en raison des séquelles et des conséquences dévastatrices qu'elles provoquent sur la santé physique, psychologique et développement des enfants, sans en oublier les répercussions sociales.
Les effets des violences sexuelles accompagnent les enfants tout au long de leur croissance, et leur impact devient plus pernicieux lorsque les capacités mentales et cognitives des victimes se forment et se développent au sein des valeurs, traditions et culture sociétales. Ces séquelles sont exacerbées et traumatisantes notamment en raison du fardeau de système culturel conservatoire dans lequel évolue l'enfance marocaine victime de violences et d'agressions sexuelles.
L'impact le plus manifeste sur l'enfant violenté est d'abord physique, tel que les fissures des parties génitales qui causent des souffrances et des complications assez graves. Il est à noter qu'une part importante des enfants marocains victimes d'agressions sexuelles et de viols accompagnés de violence en ont souffert. En effet, 18,55% des cas recensés en 2008 s'inscrivaient dans ce cas de figure.
Les violences sexuelles sur enfants ont également des impacts émotionnels sur les victimes. De nombreuses études ont montré que les enfants victimes d'agressions sexuelles souffrent de troubles émotionnels qui se manifestent sous forme de manque de confiance en soi, de déception, d'abattement et de comportements agressifs vis-à-vis des frères et sœurs ou des autres enfants en général. Les victimes peuvent devenir également irascibles, agressifs, craintifs, intravertis et incapables d'exprimer leurs sentiments. Ces études signalaient, par ailleurs, que les victimes éprouvent des grandes difficultés d'apprentissage à l'école, accusant un déficit d'autocontrôle et de développement de la personnalité et de socialisation.
Les effets sociaux directs des agressions sexuelles sur les enfants, se manifestent, quant à eux, sous forme d'incapacité des victimes à nouer des relations amicales normales avec les autres enfants, de déficit relationnel, cognitif et linguistique significatif, de manque de confiance en les autres et d'effacement total de l'enfant devant les personnes qui représentent une autorité sur lui, en plus d'une tendance à la violence et l'agressivité pour résoudre les différends avec les autres.
Outre les conséquences physiques et psychiques des agressions sexuelles, l'enfant marocain souffre d'impacts supplémentaires et aggravés par un système éducatif et culturel conservateur, le manque de structures d'accueil et de prise en charge des victimes pour leur apporter soins et soutien, faciliter leur réinsertion dans la société et leur assurer une solidarité familiale pour surmonter les séquelles de l'agression ainsi que toutes les conditions requises pour rétablir l'équilibre psychologique et social chez l'enfant. Malgré ces conséquences dramatiques, la société marocaine préfère tourner le dos à ce phénomène, voire le camoufler au lieu de l'affronter et fournir à ces enfants la prise en charge, le soin et la protection dont ils ont besoin.
Les agressions sexuelles sur enfants demeurent un tabou, qui rend l'évaluation du nombre des victimes difficile. Cependant, l'association a constaté que les victimes sont plutôt réticentes à avouer les agressions sexuelles subies, en raison, entre autres, de la dimension morale. En effet, l'agresseur apporte déshonneur et honte à son entourage familial tandis que la victime, et particulièrement les garçons, est touchée dans sa virilité masculine. Ce sont là des caractéristiques qui accompagnent habituellement ces pénibles expériences.
Le silence qui accompagne ce phénomène est dû, par ailleurs, au lien de parenté qui lie les agresseurs aux victimes. Ces dernières préfèrent se taire afin d'éviter toutes poursuites judiciaires et maintenir la cohésion et la chasteté familiale (le cas de Médiouna (localité proche de Casablanca) où le père répudie la mère, innocente le frère auteur de l'agression pour le protéger et préserver la cohésion familiale) ou encore le scandale qui pourrait découler de la dénonciation de l'agression. En outre, les procédures de conciliation, auxquelles recourent la famille de la victime et l'agresseur pour éviter que le scandale ne les entache tous les deux, ne font qu'aggraver ce phénomène passé sous silence. Par ailleurs, la complexité des mesures administratives et financières et des procédures judiciaires en la matière décourage les familles des victimes à dénoncer les cas de violences sexuelles sur mineurs auprès des autorités compétentes et les porter ainsi devant les tribunaux.
Devant l'absence de statistiques officielles de la part des autorités compétentes (ministère de la justice, ministère du développement social, de la famille et de la solidarité, la police nationale et la gendarmerie royale…) il est difficile d'évaluer le nombre exact des crimes d'agressions sexuelles sur des enfants, ce qui rend les statistiques présentées dans ce rapport relatives et assez limitées.
Nous avons recensé 306 cas d'agressions sexuelles sur des enfants en 2008, répartis sur 56 villes au Maroc (166 cas ont été pris en charge par l'association et ont été suivis tout au long de l'année 2008, et 140 cas ont été recueillis au niveau des médias nationaux qui couvrent ce phénomène). Ce chiffre dépasse de 6 fois le chiffre annoncé dans le rapport de la «Coalition contre les abus sexuels sur les enfants » pour le premier semestre de 2007, soit une croissance de 536% qui prouve l'inquiétante propagation du phénomène.
Les abus sexuels sur les enfants sont devenus un phénomène généralisé au niveau national, voire organisé dans certains cas dans le cadre de réseaux d'exploitation sexuelle des enfants, de prostitution et de pédophilie notamment dans les grandes villes du Maroc.
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